COVID-19 et activité partielle : comment gérer vos équipes en temps de crise ?
Suite à de nombreuses demandes de nos organisations clientes qui se posent une multitude de questions juridiques et opérationnelles sur la mise en activité partielle face au COVID-19, nous avons décidé d’organiser un webinar dédié.
Nous avons ainsi convié maître Anne Leleu-Eté, avocat spécialiste en droit du travail, fondatrice et associée du cabinet Axel Avocats, et Neila Choukri, Chief Operating Officer de Supermood, pour qu’elles nous partagent leurs éléments de solutions pratiques dans la gestion de vos équipes en temps de crise.
Cet article résume les principaux conseils de ce webinar, enregistré ce jeudi 26 mars 2020.
Vos questions juridiques pratiques sur la procédure de mise en activité partielle
NB : développées par Maître Leleu-Eté lors du webinar, ces informations sont délivrées à la date du jeudi 26 mars 15h30.
Quels sont les deux dispositifs d’activité partielle envisageables ?
Aujourd’hui, dans ce contexte, deux dispositifs sont envisageables :
- La réduction d’horaire : réduction temporaire de l’horaire de travail habituellement pratiqué dans l’établissement ou l’entreprise dès lors que cet horaire se trouve en deçà de la durée légale du travail.
- la baisse d’activité peut prendre la forme d’une de tout ou partie de l’établissement, avec suspension totale du contrat de travail.
Les organisations qui peuvent être concernées par ces dispositifs sont l’entreprise, un établissement, une partie d’établissement, une unité de production, un atelier, etc.
Quels sont les objectifs et les effets de la mise en activité partielle ?
Du côté de l’employeur, l’intérêt de ce dispositif est double :
- Adapter la durée du travail au niveau d’activité de l’entreprise ;
- La prise en charge par l’Etat des heures non travaillées par ses collaborateurs, et ce pour un maximum de 35 heures hebdomadaires par salarié / 1.000 heures par an et une durée maximale de douze mois.
De son côté, le salarié voit son contrat de travail suspendu, sans aucune perte dans ses droits aux congés payés / jours de repos supplémentaires (NB : régime différent pour les JRTT) et un maintien d’une partie de sa rémunération.
Dans quels cas recourir à l’activité partielle ?
En cas d’épidémie, quatre situations sont susceptibles d’ouvrir le droit à l’activité partielle pour les salariés :
- si les salariés indispensables à la continuité de l’entreprise sont contaminés par le coronavirus ou placés en quarantaine rendant ainsi ;
- si les pouvoirs publics décident de et décident de l’interruption temporaire des activités non essentielles ;
- si les transports en commun sont suspendus par décision administrative ;
- si l’épidémie entraîne une due par exemple à des difficultés d’approvisionnement, l’annulation de commandes, etc.
Qui est concerné par le dispositif d’activité partielle ?
- toutes les structures dont l’activité est réduite du fait du coronavirus.
- Les salariés : en principe, tout salarié possédant un contrat de travail – sans condition d’ancienneté (y compris les apprentis et les salariés en contrat de professionnalisation).
Sont encore du bénéfice de l’activité partielle les intérimaires sauf si l’établissement dans lequel ces salariés intérimaires ont été détachés a lui-même placé ses propres salariés en activité partielle.
Les salariés en forfait en heures ou en jours sur l’année sont désormais autorisés à bénéficier de l’activité partielle par réduction d’horaire (Décret du 26 mars 2020).
Qui n’est pas concerné par le dispositif d’activité partielle ?
Sont jugés incompatibles avec l’activité partielle :
- les salariés faisant l’objet d’un licenciement économique ;
- les travailleurs indépendants ;
- les VRP multicartes ;
- les employés à domicile.
Les travailleurs indépendants et les employés à domicile ne sont pas, à cette date du jeudi 26 mars 2020, éligibles au dispositif d’activité partielle.
Quelles sont les règles relatives à l’indemnisation des salariés ?
L’indemnisation de l’activité partielle repose sur un double mécanisme. D’une part, «» est versée par l’employeur au salarié. D’autre part, l’aide de l’Etat et de l’Unédic, nommée « allocation d’activité partielle » est versée à l’employeur.
En pratique, ces indemnisations doivent obligatoirement être mentionnées sur les bulletins de paie, et la demande d’indemnisation doit être réalisée au mois le mois, pour remboursement sous 10 à 12 jours.
Par conséquent, c’est à l’employeur d’avancer l’indemnisation des salariés.
Quelles sont les règles de calcul de l’indemnisation des salariés en activité partielle ?
Le salarié placé en activité partielle reçoit une indemnité horaire, versée par son employeur à l’échéance habituelle de la paie, correspondant à 100% de la rémunération nette horaire s’il est en formation pendant les heures chômées.
Cela dit, deux points de vigilance concernant cette indemnité :
- L’assiette de calcul de l’indemnité d’activité partielle. La rémunération horaire brute reste l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés calculée selon la règle du maintien de salaire, ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale de travail (cas général) ;
- Application de la CSG/CRDS sur les revenus de remplacement (6,70% au total) sous abattement d’assiette de 1,75% (cas général). Une question reste en suspens, celle du maintien du SMIC net / complément de l’employeur.
Quelle est la procédure à suivre pour bénéficier du dispositif d’activité partielle ?
La mise en oeuvre du dispositif nécessite la réalisation de certaines formalités en amont :
- Informez vos salariés (avec convocation, réunion et procès-verbal)
- Demandez DIRECCTE. A noter que la non-réponse de l’administration sous 48 heures est considérée comme une acceptation.
Pendant la crise du Covid-19, les démarches restent les mêmes mais leur caractère préalable est assoupli.
En pratique, ils vous est conseillé de bien préparer votre dossier en amont, en :
- recueillant les justificatifs de la réduction d’activité – note d’information ;
- préparant l’organisation de la Société pendant la période d’activité partielle ;
- calculant le nombre prévisionnel d’heures indemnisables – la durée demandée.
Les 5 questions opérationnelles les plus demandées sur le maintien de l’activité
1. Quels rôles pour les fonctions RH et équipes dirigeantes dans cette période ?
Pour répondre aux deux priorités face à l’épidémie de COVID-19 – sécurité des collaborateurs et maintien de l’activité – nous identifions trois axes principaux de leadership de crise :
- en accompagnant les différentes populations à mieux s’adapter aux nouvelles formes de travail et augmenter la vélocité de prise de décision et de mise en action ;
- pour aider l’organisation à mieux s’adapter à la situation et garder le lien continu avec les populations ;
- en mettant en place des outils collaboratifs sécurisés et qui mesurent rapidement la perception globale et l’accès en temps réel à l’information terrain.
2. Quels rôles les managers doivent-ils avoir dans cette période de crise ?
Maillons essentiels de l’organisation, les équipes de managers doivent veiller à la bonne articulation opérationnelle entre les différentes équipes en temps de crise. Pour ce faire, elles peuvent s’appuyer sur trois axes :
- Le maintien d’une information régulière avec les collaborateurs, tout en restant transparent sur les impacts de la crise sur l’activité, rassurant sur les mesures prises pour minimiser l’impact sur la pérennité de l’entreprise et en expliquant clairement les raisons pour lesquelles l’entreprise a recours à l’activité partielle ;
- Le support émotionnel des collaborateurs pour anticiper les risques psychosociaux des populations encore en poste ;
- L’anticipation de la réintégration des populations de retour d’activité partielle.
3. Quels modes d’organisation à distance ?
La mise en quarantaine a contraint les organisations à adopter de nouvelles nouvelles formes d’organisation.
Celles-ci ne pourront être optimales qu’avec l’aide d’un échange avec les collaborateurs, avec un rapport régulier de résultats de perception collaborateurs et d’amélioration continue. Plus concrètement, cela passe par :
- La prise de pouls des populations encore en postes dans des secteurs de première nécessité : rotations et mesures sanitaires de prévention ;
- La gestion du temps pour les populations en activité partielle ;
- L’adaptation au télétravail généralisé, avec :
- Mesurer la maturité au télétravail afin d’accompagner les populations les moins matures avec une formation aux outils à distance.
- Mettre en place de solutions de mesures objectives du ressentis et récoltes de besoins des équipes afin de ne pas perdre en productivité par des appels continus.
- Apporter du sens commun au projet afin de ne pas tomber dans l’isolement.
- L’adaptation des opérations pendant la crise, avec :
- Recenser les failles du dispositif afin d’optimiser son plan de continuité.
- Faire la liste de toutes les tâches et processus de sa chaîne opérationnelle qui ne sont pas réalisables à distance afin de digitaliser celles qui le sont (services achat, etc.)
- Repenser la relation client à distance (veilles des solutions, outils, technologies, etc.).
4. Quels types d’informations à collecter ?
Détecter les signaux faibles en temps de crise demande de faire remonter en temps réel des informations liées aux suivantes :
- Suivi l’engagement et du moral des collaborateurs et du sentiment d’isolement.
- Veille stratégique macroéconomique des différents acteurs de votre industrie, et veille juridique, avec l’évolution en temps réel du cadre légal.
Pour collecter ces informations clés rapidement et avec le plus de précision, nous vous conseillons de mettre en place un questionnaire à vos collaborateurs. Adapté à la crise et hebdomadaire, ce questionnaire est mis à jour avec les experts en psychologie du travail et des organisations de Supermood.
L’objectif de ce questionnaire hebdomadaire est double :
Objectif n°1 : Mesurer et récolter
- les besoins terrains par thématique (NLP) ;
- de manière régulière et objective (ce qui se passe sur le terrain) ;
- pour centraliser l’information récoltée (vue macro consolidée).
Objectif n°2 : Analyser et prioriser
- les besoins par population, régions et direction ;
- avec un système d’alerting intégré ;
- les besoins majoritaires et les populations en détresse.
Pour atteindre ces deux objectifs, il est recommandé que les questions soient à la fois :
- récurrentes (principalement hebdomadaire) pour détecter les variations ;
- fermées afin d’objectiver la perception ;
- ouvertes afin de recenser les besoins terrain ;
- à choix multiples afin de prioriser les actions.
Question 5 : Comment préparer la réintégration des collaborateurs mis en activité partielle ?
Préparer la reprise d’activité complète des équipes mises en chômage partiel exige une certaine agilité dans l’analyse et l’action au niveau des différentes équipes, qui se traduit au niveau opérationnel de la manière suivante :
- Mesurer l’impact global de la crise sur les différentes population (moral, engagement, sécurité emploi et sanitaire, etc.) pour optimiser la reprise ;
- Mesurer au global l’information correcte et uniforme auprès des différentes population pour améliorer la communication interne ;
- Mesurer le taux de participation pour un impact plus élevé sur la productivité ;
- Mesurer l'engagement des collaborateurs en fonction des résultats d’analyse aux différents sondages.
Vos questions juridiques posées au webinar
Pendant le webinar, vous avez été nombreuses et nombreux à poser des questions d’ordre juridique, répondues en live, et à date du jeudi 26 mars 2020, par maître Anne Leleu-Eté :
Peut on ajouter les heures supplémentaires contractuelles (forfait heures) dans la demande d’indemnité ?
Maître Leleu-Eté : Non, les heures supplémentaires ne sont pas indemnisées dans le dispositif. Un arrêt de 2008 et la circulaire de 2013 nous permettaient d’indiquer qu’elles pouvaient ne pas être réglées par les entreprises. Toutefois, nous attendons des précisions sur ce point. De manière générale, nos clients compensent la perte mais cela ne serait pas obligatoire selon ce texte et la jurisprudence précitée (à confirmer).
Qu’en est-il en général pour les sièges sociaux qui ferment leurs établissements ? Les sièges sociaux sont-ils aussi en activité partielle ?
Maître Leleu-Eté : Tout dépend du périmètre de l’activité partielle décidé par l’entreprise. La demande doit être faite établissement par établissement si ceux ci ont un numéro de SIRET. Ils peuvent donc ne pas être inclus dans la demande d’activité partielle.
L’activité partielle minore-t-elle les RTT au prorata ?
Maître Leleu-Eté : Pour les JRTT, dès lors que les heures supplémentaires ne sont plus réalisées, la contrepartie en repos n’est plus octroyée (ce qui n’est pas le cas pour les jours de repos en cas de forfait jours).
Qu’en est-il des VRP ? Exclusif ou multicartes ?
Maître Leleu-Eté : En principe seuls les VRP multicartes sont exclus. Nous attendons des précisions avec l’ordonnance de demain (vendredi 27 mars) qui pourrait élargir les bénéficiaires et intégrer les VRP sans distinction (source hors texte officiel).
Le service commercial de la société va être en activité partielle totale (35 heures chômées). Cela rentre dans quelle catégorie : réduction temporaire de l’horaire ou fermeture de l’établissement ?
Maître Leleu-Eté : Fermeture d’établissement, sauf si d’autres salariés, en parallèle, bénéficient d’une activité réduite. Auquel cas, il faudra faire une demande de réduction d’horaire.
Qu’en est-il du fonds d’action sociale pour les indépendants (URSSAF), avons-nous bien droit aux 1500€ ? Sous quelles conditions ?
Maître Leleu-Eté : Sous réserve des modifications à venir concernant le dispositif : FONDS DE SOLIDARITÉ AIDE FINANCIÈRE DE 1500 EUROS POUR LES INDÉPENDANTS, AUTO-ENTREPRENEURS ET TPE [En attente des textes réglementaires – Note d’information du 25 mars 2020]
L’Etat, les Régions et certaines grandes entreprises ont mis en place un fonds de solidarité pour aider les plus petites entreprises les plus touchées par la crise. Il s’agit d’une aide directe de 1500 euros versée par la DGFIP (Direction Générale des Finances Publiques).
Il vaut mieux déposer une demande d’activité partielle jusqu’à quelle date ?
Maître Leleu-Eté : Il convient de faire la demande lorsqu’elle est justifiée par l’activité de l’entreprise – il s’agit d’une question purement pratique à évaluer en fonction de votre activité. Attention au délai de 30 jours après la mise en place effective.
Ma question portait sur le taux d’indemnité à calculer. On parle de taux horaire sur la base d’un maintien de salaire. Mais quelle période prend-t-on? La période des CP de juin à mai ou UNIQUEMENT le mois précédent ?
Maître Leleu-Eté : Les textes précisent uniquement qu’il convient de prendre la rémunération antérieure brute calculée à partir de l’assiette de calcul de l’indemnité de congé payés selon la règle du maintien de salaire – rien n’est précisé au surplus – il conviendrait en théorie de prendre, en application de cette règle, la période précédant la période d’activité partielle.
Peut-on joindre un salarié en chômage partiel sur son téléphone portable personnel pour lui demander de revenir travailler ou pour lui expliquer et caler avec lui l’organisation du service (2 jours de travail, 3 jours de chômage par semaine par exemple) ?
Maître Leleu-Eté : Cela ne devrait pas poser de difficulté. Lorsque cela est justifié, vous pouvez tout à fait contacter votre collaborateur.
Le décret de ce matin (jeudi 26 mars 2020), puisqu’il inclut les salariés au forfait jour, laisse penser qu’on peut déclarer les heures sur la base du contrat (exemple : modalité 2 syntec). Quelle serait votre interprétation ?
Maître Leleu-Eté : La modalité 2 SYNTEC n’est pas un forfait en jours, mais en heures sur la semaine avec un nombre de jours travaillés. Il ressort du dispositif habituel, c’est à dire décompte en heures.