Comment optimiser le recrutement et l’engagement des Millennials ?
Alors que les Millennials composeront 75% de la population active mondiale en 2025, l’équipe de Supermood co-organisait un Webinar-Débat avec Seekube pour réfléchir à l’optimisation de leur recrutement et leur engagement en France.
Avec les professionnels RH présents au webinar, Paul Cassarino (CEO et co-fondateur de Seekube) et Kevin Bourgeois (CEO et co-fondateur de Supermood), ont partagé leurs analyses sur l’impact de cette transformation démographique sur les rapports de force dans le monde du travail, la marque employeur, ainsi que la réinvention des expériences candidat et collaborateur des 18-35 ans.
Voici les 10 enseignements à retenir de cette conversation.
1. Tous les Millennials n’ont pas le même rapport au marché du travail en France
Face aux nombreuses définitions que peuvent avoir les Millennials, nos deux intervenants cadrent leurs propos en précisant qu’ils se concentrent sur une jeunesse occidentale née entre 1980 et 2000 et qui est en position de force sur le marché du travail.
Kevin Bourgeois rappelle que contrairement à leurs aînés qui ont vécu la guerre froide et sa menace de guerre nucléaire ou encore la découverte du SIDA, les Millennials doivent de leur côté naviguer avec un contexte post-crise des subprimes 2008, une normalisation des usages numériques dans leur mode de vie, et la prise de conscience grandissante des sujets d’écologie.
Derrière la notion de Millennials, il y a quand même un marché du travail à deux vitesses.
De son côté, Paul Cassarino tient à rappeler qu’il est important de séparer deux segments qui sont dans des positions très inégalitaires concernant leurs rapports de force avec les entreprises.
Il y a ceux qui ont un rapport au marché de l’emploi qui est très compliqué, même en France et en Occident, et pour qui l’enjeu est davantage celui de la formation que celui de l’engagement ou même d’insertion sur le marché du travail. De l’autre côté, il y a une partie qui est en position de force en ce moment, ce qui n’a pas toujours été le cas ces dix dernières années.
2. Une intensification du besoin d’instantanéité chez les Millennials
Il n’y a pas réellement de grandes tendances au sein des Millennials entre ceux nés au début des années 80 et ceux nés fin des années 90. En revanche, Paul Cassarino note une intensification du besoin d’instantanéité au quotidien, et donc un besoin pour les entreprises de devoir les traiter urgemment.
Les Millennials ont un besoin de visibilité sur le processus de recrutement, que le temps alloué à ce processus soit optimisé. Il y a aujourd’hui beaucoup trop d’entreprises qui, soit ont du mal à s’adapter à cette temporalité, soit n’ont pas pris conscience de cet enjeu.
Ce besoin d’instantanéité signifie le besoin de réduire les process. Paul cite une étude des Echos, qui révèle que si la proposition d’une entreprise se fait le Jour-J du dernier entretien d’embauche pour un premier emploi ou un stage, le taux d’acceptation des candidats avoisine les 90%. Si cette proposition intervient deux semaines après ce dernier entretien d’embauche, ce taux chute à 5%.
Si les candidats ont besoin que les choses aillent vite, il ne faut pas précipiter et rester exigeant pour autant.
3. Le feedback au coeur d'une expérience candidat et collaborateur réussie
Que ce soit dans le recrutement ou dans l’engagement au sein de l’entreprise, Paul Cassarino et Kevin Bourgeois s’accordent sur le fait qu’améliorer les expériences candidat et collaborateur passe par une boucle de feedbacks avec les premiers concernés.
Essayer de revoir tout le parcours utilisateur, le parcours candidat, pour se dire “si j’étais candidat de l’autre côté, quel rythme, et quelle temporalité ferait que j’aurais une expérience candidat qui soit de qualité.”
Il y a un vrai enjeu de proposer, de co-construire le processus avec le candidat, plutôt que de l’imposer.
En termes d’action concrète, Paul Cassarino conseille ainsi aux recruteurs et managers : “Posez la question aux personnes qui viennent de vous rejoindre pour savoir aujourd’hui dans l’expérience qu’ils ont vécu entre le moment où ils ont un premier point de contact avec votre entreprise et le moment où ils ont été recrutés, quels sont les temps où ils ont eu le sentiment de subir un processus.”
4. La mobilité : un enjeu structurel chez les Millennials
Aujourd’hui un étudiant de niveau Bac +5, entre la première et la dernière année de son cursus, est amené à se déplacer de nombreuses fois.
Que ce soit en mobilité géographique internationale avec un échange universitaire semestriel ou annuel, un stage de césure en région ou à l’étranger, ou encore un parcours en alternance au moment de sa recherche d’emploi, la probabilité que les meilleurs candidats étudiants ne soient pas physiquement sur le campus est très élevée.
Le contexte de recherche d’emploi, l’espace spatio-temporel de recherche d’emploi, peut être amené à changer en permanence. Ce qui veut dire que l’endroit où on peut capter des candidats change.
Énormément d’école d’ingénieurs ont des étudiants en dernière année qui sont en stage de fin d’étude, avec une grande majorité d’entre eux à l’étranger. Ce contexte pose un vrai enjeu de réinvention d’expérience de rencontres entre le candidat et l’entreprise.
Si les rencontres physiques restent importantes pour nourrir la prise de décision de recrutement, le numérique reste pour les entreprises un levier d’innovation essentiel pour connecter avec ces talents mobiles.
5. Dans les expériences candidats et collaborateurs : besoin de dialogue plus contextuel et personnalisé
Kevin Bourgeois rappelle quelques évolutions qui bouleversent le monde du travail : il y a plus de mobilité interne qu’avant, de changements au sein des organisations, et les turnovers RH sont aussi plus élevés. A l’échelle macroéconomique, avant, le collaborateur en France était sur des cycles de 6-7 ans en entreprise, maintenant il se situe autour de 4-5 ans.
Ces évolutions ont un impact sur les leviers d’engagement au travail. Les salariés sont à la fois moins bien informés avec une “infobésité” constante sur les réseaux sociaux, et à la fois très bien informés sur la marque employeur.
“Le monde est plus flou, moins linéaire qu’avant et c’est important de maintenir un dialogue régulier entre l’entreprise et le collaborateur.” rappelle Kevin Bourgeois, qui précise que le point de friction principal qu’il observe souvent chez les RH et COMEX qui utilisent Supermood, c’est de “penser que la réaction des collaborateurs à un même événement est homogène”.
Ce qu’on constate dans les frictions sur l’engagement au travail, c’est le manque de dialogue, ce manque de compréhension de l’entreprise qui a un impact global sur tous ses salariés, sur tout ce qu’elle fait en interne et en externe.
Concernant la marque employeur, Paul Cassarino va dans le même sens en revenant sur l’importance pour les équipes RH de garder une approche “marketing RH”. Concrètement, il faut savoir appréhender les candidats recherchés comme de vrais segments, et identifier leurs particularités respectives : besoins, aspirations et motivations.
6. L’importance de connaître l’écosystème de l’enseignement supérieur français et ses transformations
Les entreprises se tournent encore beaucoup vers les grandes écoles en France, alors que celles-ci représentent moins de 10% des candidats de l’enseignement supérieur.
Pour Paul Cassarino, il y a un besoin de sortir de cette logique de cercles fermés qui se repose principalement sur le réseau alumni des managers qui recrutent et la logique d’écoles cibles, mais également de développer une vraie connaissance des bassins de formation de la population active de demain.
Lors de la dernière décennie, cet écosystème s’est par ailleurs considérablement concentré, avec de nombreuses fusions dans les écoles d’ingénieur (CentraleSupélec, IMT Atlantique, IMT Lille Douai etc), les écoles de commerce (Skema, Kedge, ESCP Europe etc) et les regroupements universitaires (ex: Université de Lille, Université de Paris, Université de Lorraine, Université fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées etc).
7. Changement de paradigme dans le recrutement : les entreprises doivent aller voir les candidats.
En tant que dirigeant de startup RH, Paul Cassarino est conscient que le numérique peut amener une dimension impersonnelle et normative. Selon lui, la capacité d’offrir de la proximité et de la personnalisation dans les rencontres et l’expérience de recrutement est un défi majeur chez Seekube, notamment dans leurs forums de recrutement virtuels.
Et cela passe aussi par un changement culturel nécessaire du côté des recruteurs. “Maintenant, sur nos forums virtuels, une des fonctionnalités qui fonctionnent le plus : les entreprises peuvent chasser les candidats qui n’auraient pas pensé à elles, et on a entre 60 et 80% de taux d’acceptation de rendez-vous des candidats.” précise Paul Cassarino.
Le fait de diffuser une offre et d’attendre que les candidats postulent n’est plus suffisant.
Encore de nombreuses entreprises ont du mal à aller vers les candidats, car elles estiment que si ces derniers ne font pas le premier pas, il s’agit d’un manque de motivation. Or, même si le recrutement ne se concrétise pas, les candidats les plus talentueux et les profils à forte demande sur le marché de l’emploi sont souvent intéressés d’échanger avec les recruteurs et managers.
Travailler sur sa marque employeur et son expérience candidat, c’est aussi changer le paradigme et les mécanismes sur lesquels repose cette expérience candidat.
8. L’onboarding est un enjeu décisif d’engagement de l’expérience collaborateur
Dans un monde du travail où les cycles de collaboration au sein de l’entreprise se réduisent, les premiers mois d’intégration au sein de l’organisation représente une expérience déterminante sur l’engagement du collaborateur et sa capacité à se projeter dans l’entreprise.
Ce constat est d’autant plus important pour les Millennials dont le rapport à l’instantanéité se prononce davantage que chez leurs ainés.
Au bout d’un mois au sein de l’entreprise, le collaborateur sait à peu près si il veut y rester plus ou moins de trois années.
Pour appuyer son propos, le CEO et co-fondateur de Supermood revient sur une étude réalisée chez un de ses clients qui lui a permis de réaliser que 60% des départs sont dans les six premiers mois. “SuperFeedback”
Ce trou venait du fait qu’il y avait deux spécialisations possibles avec les nouveaux collaborateurs, qui étaient assez peu qualifiés dans des centres d’appel : soit la spécialisation centre d’appel support, soit la spécialisation centre d’appel commercial.
Dans la partie commerciale, il y avait un variable de salaire, contrairement à la partie support. ce qui créait une compétition malsaine dans toute une promotion entière de nouveaux collaborateurs.
“En travaillant on s’est rendu compte que ce n’était pas un problème le processus d’intégration, mais de processus de sélection en amont. Notre entreprise cliente a changé les fiches postes, le processus de sélection, ce qui a amélioré l’expérience d’onboarding et la réduction du turnover.” raconte Kevin Bourgeois.
9. L’analytique RH casse le mythe du Millennial égocentrique
En préparant notre webinar, Kevin Bourgeois s’est concentré sur les questions – posées via les sondages de SuperFeedback – aux collaborateurs de 18-30 ans des 150+ entreprises clientes de Supermood et ainsi leurs réponses – confidentialisées – les plus corrélées à leur engagement au travail.
Il s’avère que les sujets les plus corrélés à l’engagement des Millennials sont :
- Cette fierté concerne aussi bien l’image extérieure que le sentiment d’impact en interne ;
- Même dans un contexte professionnel, la capacité à s’amuser au travail reste une motivation non-négligeable ;
- Cette reconnaissance est personnelle “je suis reconnu pour le bon travail que j’ai effectué” et s’oriente vers l’équité et la justice “chacun.e d’entre nous est reconnu à sa juste valeur” loin des logiques de politique interne en entreprise.
Très tournées vers le collectif, ces réponses des jeunes générations sur leur levier d’engagement tuent le mythe du Millennial égocentrique avec un “effet diva”.
Avec ces éléments, Kevin Bourgeois aime rappeler que le slogan de Danone “quand ça va bien à l’intérieur, ça se voit à l’extérieur” reste un bon mantra pour les entreprises qui travaillent leurs marques employeur.
Sans dialogue régulier sur ce qui se passe en interne, il est très difficile pour la marque employeur de travailler sur ses vraies forces.
10. Le télétravail n’est pas un atout de marque employeur
Une des questions des participants du webinar portait sur le télétravail comme élément d’attractivité de talents pour les entreprises. Selon Paul Cassarino, le home-office ne permet pas une réelle différenciation de marque employeur, en termes d’image.
Pour lui, il y a deux manières de la rendre différenciante : d’une part l’incarner personnellement au quotidien en tant que dirigeant, manager, ou RH, et d’autre part avoir une culture d’entreprise radicale sur ces questions.
Chez Seekube, on est très flexible sur le télétravail, même si on met un cadre en termes de durée, d’horaires, de règles sur la participation aux réunions.
En tant que dirigeants d’entreprise, Paul Cassarino et Kevin Bourgeois s’accordent à penser que le home-office n’est qu’une composante d’un enjeu plus large : la flexibilité et la responsabilisation des collaborateurs. “Puis-je adapter mes horaires ? Si je suis jeune parent, puis-je aménager mon emploi du temps ?”
Les équipes dirigeantes, managers et RH doivent ainsi réfléchir en fonction de leur organisation, leur culture d’entreprise, leur business, pour offrir une expérience collaborateur optimale au quotidien.
Conclusion
Les Millennials en France qui ont pu bénéficier d’une formation complète au sein de l’enseignement français sont désormais en position de force sur le marché de l’emploi.
Ces jeunes salariés d’entreprise valorisent notamment la fierté d’appartenance, l’aspect ludique de l’expérience collaborateur et la reconnaissance intrinsèque juste et équitable au sein de l’organisation.
Pour attirer, recruter et engager ce segment des 18-35 ans, les entreprises doivent faire face à plusieurs défis majeurs : la transparence et la réduction des process de recrutement, l’adaptation à la mobilité des candidats étudiants, ou encore l’optimisation de l’expérience d’intégration des jeunes nouveaux collaborateurs.
Enfin, l’enjeu majeur d’attractivité et de réduction de turnover des Millennials réside dans la capacité des équipes dirigeantes, RH et managers à pouvoir initier régulièrement un dialogue avec ces jeunes talents, qu’ils soient candidats ou collaborateurs. Dans un monde du travail où les cycles de collaboration se réduisent et où les notes Glassdoor prévalent de plus en plus, cette exigence de dialogue régulier est devenu un enjeu fondamental de marque employeur.
Video
Si vous souhaitez voir ou revoir le webinar-débat dans son intégralité, c’est juste ici !