Démission silencieuse, ou Quiet Quitting, comment l’anticiper dans votre entreprise ?
« Salut Veronica ! Tu as jusqu’à la fin de la journée pour faire ce travail supplémentaire. »
« Avec tout mon respect Susan, on est en 2022, on s’investit à la hauteur de notre salaire, donc ne me donne pas de travail supplémentaire. Merci, Merci… »
Dans cette vidéo devenue virale, la TikTokeuse américaine Sarai Marie illustre avec un humour mordant le phénomène du « Quiet quitting », ou « Démission silencieuse ». Un discours qui trouve un écho retentissant auprès des travailleurs puisque le hashtag #quietquitting enregistre à ce jour pas moins de 231 millions de vues sur TikTok.
Alors, l’intérêt pour la « Démission tranquille » qui secoue les réseaux sociaux se traduit-il concrètement dans les entreprises ? Et, le cas échéant, faut-il s’inquiéter de la diffusion de ce mot d’ordre, et comment anticiper la « Démission discrète » ?
Supermood fait le tour de la question !
Qu’est-ce que la « Démission silencieuse » ?
L’expression « Quiet quitting », ou « Démission silencieuse », a émergé sur le réseau social TikTok au cours de l’été 2022. Elle désigne le fait, pour un salarié, de se limiter strictement à ce que lui impose son contrat de travail, c’est-à-dire de travailler dans le plus pur respect de ses horaires et des tâches pour lesquelles il est rémunéré. Rien de plus.
A priori raisonnable, cette posture va pourtant à contre-courant de la culture de l’engagement qui fait loi dans les organisations. Elle s’oppose en effet à la notion d’engagement au travail définie comme :
« L’ensemble des actions d’un salarié qui vont au-delà de la contribution demandée par le contrat de travail » et qui renforcent « le sentiment de contribuer à un projet commun. »
(source : ANDRH).
- En premier lieu, il conduit à une baisse de productivité pour l’entreprise. En effet, comme l’évoque la chercheuse Maëlezig Bigi dans The Conversation : « l’écart entre le travail prescrit et le travail réel est nécessaire au bon déroulement de l’activité. Lorsque plus personne ne s’écarte du proscrit pour que “ça marche”, ni individuellement ni collectivement, plus rien n’est possible. »
- Ensuite, comme l’explique Charlotte Appietto dans son podcast « Pose ta Dem’ », le désengagement est délétère pour le collaborateur lui-même. Selon l’experte en reconversion, une absence durable d’implication personnelle dans le travail est en effet nocive pour la santé physique et mentale du salarié, car celui-ci risque de stagner et de s’enfoncer dans une situation peu épanouissante.
Face à la vague de désengagement massif qui caractérise la « Démission silencieuse », il est donc nécessaire de dresser un diagnostic et d’agir rapidement afin de protéger l’organisation et ses parties prenantes.
Quelles sont les causes du « Quiet quitting » ?
Comme le souligne Maëlezig Bigi dans The Conversation, la « Démission silencieuse » n’est pas complètement inédite. Elle renvoie à des pratiques et à des phénomènes anciens, tels que la « flânerie systématique », la « grève du zèle », le « freinage » ou encore « l’apathie ».
Pourtant, en 2022, le désengagement connaît un nouvel essor.
Celui-ci peut tout d’abord être expliqué par le contexte de reprise post-pandémique et par un marché du travail favorable aux salariés. Selon la Dares, au premier trimestre 2022, les difficultés de recrutement ont en effet atteint « des niveaux inégalés » dans plusieurs secteurs clés (services, bâtiment, industrie manufacturière). Les employés qui le peuvent n’hésitent donc plus à quitter leur poste, alimentant la « Grande démission » qui touche désormais la France, ou à lever le pied, venant grossir les rangs des « Quiet quitters ».
Mais comment comprendre cette volonté de mise en retrait vis-à-vis de l’entreprise ?
La dégradation de la santé mentale des salariés est la justification la plus saillante du « Quiet quitting ». Et pour cause, selon le Baromètre T10 Empreinte Humaine — Opinion Way, en juin 2022, 41 % des collaborateurs étaient en état de détresse psychologique. Pour ceux-ci, comme le mentionnent la chercheuse Maëlezig Bigi ou l’experte du bien-être au travail Laura Belconde, le désengagement représente un réflexe d’auto-préservation face à un emploi devenu insupportable à cause d’une culture d’entreprise toxique, de mauvaises pratiques managériales, d’une perturbation de l’équilibre vie pro/vie perso, ou encore d’un environnement de travail délétère.
Mais le désespoir des salariés n’est pas la seule raison avancée par les observateurs en vue d’expliquer le désengagement généralisé des collaborateurs.
Selon Sébastien Olleon, associé du cabinet Grand Angle Consulting, la « Démission silencieuse » pourrait également trouver son origine dans une forme de défiance à l’égard d’une organisation du travail rendue obsolète par la pandémie et pourtant maintenue par de nombreux employeurs (management contrôlant, refus du travail à distance, etc.).
« Puisqu’on les prive excessivement d’autonomie et qu’on gaspille leur temps dans les transports sans véritable raison [les salariés] n’ont en retour aucune raison de faire davantage que ce qui est stricto sensu dans leurs attributions. Et réservent leur supplément d’engagement aux sphères privées ou associatives. », résume le consultant.
Le « Quiet quitting » pourrait donc puiser ses racines dans la contestation de modes de travail datés, mais pas seulement.
Comme l’illustrent de très nombreuses vidéos diffusées sur TikTok, la vitrine du « #Quietquitting », la rémunération est elle aussi au centre des revendications, et cela plus encore dans un contexte inflationniste. Les « démissionnaires silencieux », et notamment les plus jeunes, s’insurgent en effet contre le travail gratuit et les heures supplémentaires non payées dans une période où leurs salaires ne leur permettent plus de maintenir leur pouvoir d’achat et de se projeter dans une vie traditionnelle (achat d’une résidence principale, famille, etc.).
Face aux doléances qui s’accumulent et au désengagement qui prend de l’ampleur, croire que « les salariés rentreront dans le rang à la première tension du marché de l’emploi » serait donc une erreur, comme l’écrit Xavier de Mazenod dans la newsletter Zevillage. « Les employeurs, publics et privés, doivent accepter les demandes sociétales révélées par la Covid. Ils doivent comprendre qu’un mauvais management (et un mauvais salaire) ou un cadre de travail toxique pousseront toujours leurs salariés au désengagement », poursuit l’expert du futur du travail.
Alors, puisque ni le temps ni le « Quiet firing » n’y feront rien, quels leviers concrets actionner pour lutter contre les causes de la « Démission silencieuse » et endiguer ce désengagement généralisé ? C’est ce que nous allons voir.
Les clés pour prévenir la « Démission silencieuse »
De nombreuses pistes peuvent être envisagées en vue de prévenir la « Démission discrète ». Parmi elles :
- Une augmentation des rémunérations (salaires et avantages sociaux) afin de récompenser les efforts fournis, mais aussi de permettre aux salariés de faire face à la hausse du coût de la vie et de bâtir des projets sur le long terme.
- L’instauration de mesures propres à garantir un meilleur équilibre des temps de vie telles que l’interdiction de fixer des réunions trop tôt ou trop tard, le télétravail, la semaine de quatre jours, la journée de six heures, un congé parental allongé ou encore les vacances illimitées (ou « congés flexibles ») comme chez Supermood.
- Une amélioration des pratiques managériales vers moins de micro-management et davantage de reconnaissance notamment. Car comme le soulignent Jack Zenger et Joseph Folkman dans la Harvard Business Review : « Quiet Quitting Is About Bad Bosses, Not Bad Employees ». Pour preuve, selon les deux experts en management, les « mauvais managers » enregistrent un taux de « démission silencieuse » quatre fois plus élevé que les bons encadrants (14 % contre 3 %).
- L’implémentation de dispositifs facilitant la montée en compétences et l’évolution des salariés au sein de l’entreprise, comme chez Google qui, en réponse au «Quiet quitting », s’est converti au « Quiet hiring ».
Nous le voyons à travers ce rapide aperçu, les solutions permettant de lutter contre la « Démission silencieuse » et le désengagement sont nombreuses et diversifiées. L’erreur serait, comme l’explique à l’ADN le sociologue des organisations Raphaël Pirc, de prendre le problème « à l’envers, de manière descendante, au lieu de favoriser la mise en place d’enquêtes internes, de manière plus ascendante… ».
Un point de vue partagé par Kevin Bourgeois. Selon le cofondateur de la plateforme d’écoute collaborateur Supermood, pour lutter contre la « Démission silencieuse », il est en effet nécessaire de partir du feedback des parties prenantes. Et pour cause, impossible de connaître les réels besoins des salariés et d’y répondre de façon pertinente sans une approche systématique et objective, à l’instar de celle permise par Supermood.
À travers des questionnaires ciblés et anonymisés, l’outil Supermood permet en effet de prendre le pouls des équipes et d’identifier avec précision des tendances qui poussent les salariés à la « Démission silencieuse ». Mieux, grâce à Supermood, l’employeur peut poser à ses collaborateurs des questions « orientées solution » afin de co-construire des réponses adaptées au désengagement des talents.
Anticiper la Démission silencieuse en entreprise : le mot de la fin
Nous l’avons vu, la « Démission silencieuse » affecte déjà la France avec un taux d’engagement des salariés français au plus bas : 6 % seulement selon Gallup. Entre résignation et contestation, cette baisse de l’implication des collaborateurs doit alerter. Elle pourrait en effet conduire à un amoindrissement de la productivité et à une dégradation encore plus importante de l’état de santé mentale des équipes.
Le « Quiet quitting » doit donc être pris à bras-le-corps et appréhendé comme une occasion de réinventer l’entreprise afin de répondre aux attentes de ses acteurs. Finalement, de là à considérer la « Démission silencieuse » comme « la meilleure nouvelle de l’année », à l’image de l’expert en management Gaël Chatelain-Berry, il n’y a qu’un pas.
Reste néanmoins un challenge : celui de trouver, parmi un large éventail de mesures, celles qui permettront de lutter efficacement contre la ou les causes de désengagement propre(s) à votre structure. Ici, une approche « bottom-up » et une fine compréhension des aspirations du terrain sont indispensables et, ce faisant, l’utilisation d’un outil d’écoute des collaborateurs tel que Supermood s’avère incontournable.
Vous souhaitez savoir si la « Démission silencieuse » a gagné votre entreprise ? Découvrez le questionnaire formulé par notre psychologue du travail et faites votre diagnostic.