Déconfinement du secteur financier et bancaire : chute de 20% du niveau d’information interne des organisations
Alors que beaucoup prédisaient une chute de la productivité et des rigidités logistiques face à la mise en télétravail généralisée de leurs collaborateurs, le système financier et bancaire a dans son ensemble assez bien résisté aux deux derniers mois de confinement en France.
Cependant, si de nombreuses organisations du secteur financier et bancaire se sont globalement adaptées à ces nouveaux modes de fonctionnement à distance, des problématiques structurantes comme la circulation de l’information interne ont été massivement remontées par différentes populations de collaborateurs sur la plateforme d’écoute analytique de Supermood.
Avec les données collaborateurs collectées en temps réel et en continu sur cette plateforme, cet article tente de vous partager comment les collaborateurs ont vécu les différents événements, afin d’aider les organisations du secteur financier et bancaire à mieux appréhender les mesures de transformation actuelles et futures de leur industrie.
Les entreprises du secteur financier et bancaire ont réussi à s’adapter aux contraintes du confinement
Dans la semaine qui a suivi l’annonce du confinement en date du 16 mars 2020 par le président de la République, les données collaborateur recueillies par la plateforme d’écoute analytique de Supermood ont enregistré une hausse de 35% à 80% de satisfaction des collaborateurs du secteur financier face au nouveau mode de télétravail et d’organisation.*
Cette augmentation de 45% n’est pas une tendance propre au secteur financier et bancaire. En effet, l’ensemble des dix secteurs d’activité couvrant les 85.000 réponses collaborateur sur la plateforme d’écoute analytique Supermood présentent une augmentation globale de +39% sur la satisfaction par rapport à l’adaptation aux nouvelles organisations.**
Une tel alignement avec les autres secteurs d’activité peut surprendre tant l’industrie financière, dépendante de la protection de données ultra-sensibles, a dû réaliser un tour de force culturel et technologique pour composer avec les contraintes imposées par le confinement pour assurer la continuité de ses activités.
Après avoir effectué d’importants contrôles de capacités et de conformité réglementaire pour s’adapter à cette situation inédite, les institutions financières ont finalement permis à de nombreux collaborateurs de travailler à distance, y compris dans l’exécution de transactions.
Des inquiétudes des collaborateurs après l’annonce présidentielle du 13 avril
En revanche, près d’un mois après cette hausse la semaine suivant l’annonce présidentielle du confinement, la semaine suivant l’annonce du Président de la République le 13 avril de la date prévisionnelle de déconfinement le 11 mai.***
Alors que fin mars le Financial Times recueillait le témoignage anonyme d’un trader de Bank of America révélant qu’il était très difficile pour les personnes d’avoir à revenir au bureau, il est fort probable qu’en France cette annonce a pu remettre en question la possibilité pour certains de rester en télétravail, notamment avec les incertitudes autour des conditions de reprise d’activité, aussi bien d’un point de vue sanitaire qu’opérationnel.
Cette réticence pourrait être causée par l’insécurité liée au mode de transport ainsi qu’à la logistique familiale.
Si l’adaptation aux nouvelles formes d’organisation s’est de manière globale bien déroulée, nous avons pu observer une autre tendance de fond au sein des organisations du secteur financier et bancaire en France, c’est un besoin sans précédent d'information fluide et rapide en interne.
Le besoin d’information fluide et rapide en interne, défi majeur du secteur financier et bancaire en période de déconfinement incertain
Dans la semaine suivant l’annonce de la fin du confinement par le président Macron, la part de population active française qui travaille dans le secteur des services financiers déclarant avoir un bon niveau d’information au sein de leur organisation a chuté de 84% à 64%.****
Par ailleurs, il s’agit de la baisse la plus forte observée suite à cette annonce sur les dimensions étudiées dans notre analyse.
D’autre part, la satisfaction du niveau d’information – sans doute liée à la différence de perceptions de la communication au sein des différentes fonctions et organisations – n’a pas créé le consensus. En effet, notre indicateur de convergence d’opinions a enregistré une baisse de 10% la semaine suivant l’annonce du déconfinement le 18 avril.*****
Ce manque de circulation d’information et d’alignement au sein des entreprises du secteur financier et bancaire fait écho avec une tendance globale multi-secteur observée chez les 200+ organisations clientes de Supermood : pour les directions, il est beaucoup plus facile de mobiliser dans l’urgence ses équipes pour les mettre en télétravail que d’orchestrer un déconfinement incertain alors que de nombreuses interrogations sanitaires et économiques subsistent.
Ainsi, lorsque les équipes seront sorties de la situation transitoire actuelle, il sera indispensable de réaliser un nouvel état des lieux de ces indicateurs d’adaptation et d’adhésion des collaborateurs du secteur financier et bancaire pour vérifier si ceux-ci sont à minima revenu au niveau de la période précédant le coronavirus.
Pour faire face à des transformations de plus en plus rapides, les entreprises doivent gagner en agilité
Pour maximiser leur efficacité opérationnelle en période de turbulences, il est ainsi nécessaire que les entreprises du secteur financier et bancaire puissent gagner en agilité et renforcer leur alignement interne. En premier lieu, cela passe par adapter leur manière de communiquer et de mesurer l’adhésion en interne.
Alors que la crise du Covid-19 et le confinement ont accéléré la digitalisation de l’ensemble des secteurs d’activité, remplacer les annonces internes unilatérales “top-down” par une boucle de feedback interne via des sondages confidentiels aux collaborateurs devient indispensable une industrie qui reste à l’intersection des technologies de l’information et de l’humain.
Ainsi, cette boucle de feedback permettra notamment de matérialiser en temps réel le niveau de compréhension et de confiance des collaborateurs sur les mesures prises par la direction dans ce déconfinement, permettant d’ajuster rapidement les décisions en fonction de ces remontées terrain.
Ce dialogue agile entre les directions et les collaborateurs est d’autant plus essentiel en cette période de transition. A l’heure où les motifs d’incertitudes (réinvention du retail face à la distanciation sociale, les vagues de licenciements et d’outsourcing, etc.) se mélangent aux nombreuses opportunités d’innovation offertes par la digitalisation accrue des organisations lors du confinement, l’industrie financière connaît de nombreuses lignes de rupture.
Ainsi, l’enjeu reste de pouvoir repérer les tendances et signaux faibles qui expriment en amont ces lignes de rupture au sein des organisations, et ce notamment suite aux événements, à l’instar de l’impact des annonces gouvernementales sur le confinement évoquées précédemment dans cet article.
Dans une industrie où les relations investisseur et clientèle restent primordiales, l’attention particulière portée aux collaborateurs sera essentielle dans la gestion des transformations à venir.
Notre méthodologie d’analyse
L’analyse des données de la plateforme d’écoute collaborateur Supermood est réalisée par extrapolation selon la répartition de la population active en France (source : INSEE, enquête Emploi de 2017), avec un intervalle de confiance de 95% et une marge d’erreur maximale de 10%.
L’approche scientifique de notre étude
Les questions posées par Supermood sont regroupées sous des thématiques précises liées à la crise et au confinement : moral, conditions de travail, adaptation aux nouvelles organisations, lien social, niveau d’information, et confiance en la continuité de l’activité.
Ces questions se posent de manière récurrente à des milliers de collaborateurs d’entreprises différentes, à laquelle ils donnent une réponse sur une échelle de Likert comprise entre 1 et 5.
Selon notre expertise interne en psychologie du travail, nous considérons que les réponses de 4 ou plus indiquent les collaborateurs qui réagissent positivement aux différentes thématiques.
Conclusion
Nous faisons également émerger de la période globale considérée dans l’étude des périodes spécifiques qui correspondent aux différents évènements de la crise, afin d’observer les variations dans les réponses des collaborateurs.
Partant, en sélectionnant les réponses des collaborateurs français, nous obtenons par extrapolation une image de la perception des différentes thématiques par la population active française (BIT), à l’exclusion des populations au chômage, en congés maternité, ou considérées non connectées.
Enfin, en extrapolant seulement lorsque nous recevons plus de 100 réponses dans une période donnée, nous garantissons que ces extrapolations sont faites avec un intervalle de confiance de 95% et une marge d’erreur maximale de 10%.
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* Échantillons de 300 réponses la semaine précédant l’événement, 189 réponses la semaine suivant l’événement.
** Échantillons de 394 réponses la semaine précédant l’événement, 309 réponses la semaine suivant l’événement.
*** Échantillons de 806 réponses la semaine précédant l’événement, 1746 réponses la semaine suivant l’événement.
**** Échantillons de 1978 réponses la semaine précédant l’événement, 3096 réponses la semaine suivant l’événement.
***** Échantillons de 300 réponses la semaine précédant l’événement, 189 réponses la semaine suivant l’événement.