Comment manager les millennials ?
En 2018, nous pouvons lire un grand nombre d’articles sur les problématiques de management des nouvelles générations. Beaucoup d’entreprises se plaignent de ne pas savoir comment gérer et engager les générations Y et Z, qui sont souvent rassemblées sous l’appellation millennials. Chez Supermood, nous nous retrouvons fréquemment confrontés aux interrogations des dirigeants, RH et managers à ce sujet et nous essayons donc de les accompagner au mieux sur ces problématiques.
L’idée ici n’est pas de donner des vérités générales sur les générations ni de donner des solutions clés en main pour manager les “millennials” mais plutôt de développer une réflexion autour de ce thème qui anime toutes les entreprises en 2018.
A propos des générations et des millennials
Pour cela rien de mieux que de s’appuyer sur l’avis d’experts. Jean-François Tchernia est un spécialiste de l’étude de l’opinion et des tendances sociétales appliquées aux problématiques des entreprises et participe à l’European Values Study. En 2015, pour la Revue des conditions de travail, il s’entretient avec l’ANACT sur l’effet des générations sur l’engagement au travail.
“En 1981, Renault s’interrogeait déjà sur ses jeunes cadres”
D’après lui, le phénomène de non compréhension des nouvelles générations par le management n’est pas nouveau. En effet, même si il est porté par les millennials en ce moment, il concerne aussi les générations antérieures : dans les années 80 on retrouvait déjà un décalage entre les générations, à l’image de Renault qui s’interrogeait déjà sur ses jeunes cadres par exemple.
L’effet des générations sur le rapport au travail
De la même manière, on observe une tendance à la baisse de l’engagement au travail sur ces dernières générations. Cependant, c’est un phénomène plus antérieur que nous croyons. Selon l’expert en analyse sociologique, ce désengagement est là depuis 20 ans et remonte à des générations qui ont maintenant 40-50 ans. Nos millennials ne seraient donc pas moins engagés que leurs parents ! La faute à la difficulté d’insertion sur le marché du travail qui était déjà bien présente à l’époque. Ces obstacles dès le début de la vie professionnelle ont inévitablement un impact sur le rapport que les jeunes travailleurs ont avec l’entreprise et avec le travail en général.
Ce désengagement est là depuis 20 ans et remonte à des générations qui ont maintenant 40-50 ans. Nos millennials ne seraient donc pas moins engagés que leurs parents !
L’European Values Study tend aussi à confirmer que le phénomène d’individualisation de la société est bien perceptible et qu’il peut expliquer en partie la quête d’autonomie et de responsabilités au travail que l’on perçoit chez les millennials ainsi qu’un plus faible attachement à son entreprise.
Les jeunes générations ont accès à beaucoup plus d’informations que les générations précédentes, notamment grâce à internet et aux réseaux sociaux, ce qui peut aussi avoir un impact sur leur exigence et leur avis critique par rapport au travail.
A cela s’ajoute le contexte économique actuel : entre la mondialisation, la digitalisation et toutes les transformations organisationnelles, les entreprises ont de plus en plus de mal à assurer la sécurité de l’emploi de leurs collaborateurs. Elles ne peuvent donc plus les retenir par le sentiment de sécurité.
Tout cela génère chez les individus une quête de sens, d’autonomie et d’épanouissement. Quitte à ne pas être en sécurité, autant se faire plaisir. Il y a donc une tendance chez les collaborateurs à rejeter les modes d’organisation qui créent des contraintes : relations hiérarchiques, contrôle du travail, contraintes spatiales et temporelles, opacité des prises de décision.
Enfin, il y aurait un phénomène d’accélération de notre société et de nos projets de vie favorisant l’augmentation et la valorisation des carrières plurielles. En effet, avoir accumulé différentes expériences professionnelles dans différentes entreprises est reconnu comme un signe de compétences transverses et de capacité d’adaptation, caractéristiques très recherchées dans un monde du travail en perpétuel changement. Garder un employé engagé envers son entreprise s’avère alors plus difficile.
Quitte à ne pas être en sécurité, autant se faire plaisir. Il y a donc une tendance chez les collaborateurs à rejeter les modes d’organisation qui créent des contraintes.
Les missions du manager vis à vis des plus jeunes générations seraient alors amenées à changer. Là ou le manager avait un rôle de décisionnaire et de contrôle du travail, nous pensons qu’aujourd’hui il gagnerait plutôt à : 1. Être un soutien et un organisateur du travail, 2. S’intéresser au bien-être et à la qualité de vie ses collaborateurs. 3. Solliciter les Ressources Humaines dans la gestion de leurs équipes.
Le soutien professionnel
Être un soutien et un organisateur du travail. C’est à dire se placer en accompagnateur dans les projets et dans les décisions. Le manager devrait être là pour soulager un maximum des contraintes qui pèsent sur son équipe et faire tampon avec la direction, tout en s’assurant que les objectifs fixés soient réalisables et qu’ils soient atteints. Il devrait également pouvoir favoriser le management par projet et ainsi développer un sentiment d’”ownership” chez ses collaborateurs en donnant de l’autonomie et de la latitude décisionnelle. Nous attachons donc beaucoup d’importance à ce que l’on appelle le soutien professionnel du manager (feedback, disponibilité, développement de compétence) qui permet de mettre les individus dans les meilleures conditions de travail qui soient.
Le soutien personnel
S’intéresser au bien-être et à la qualité de vie de ses collaborateurs. Nous voyons de plus en plus dans les entreprises, des “Chief Happiness Officer”, des RH chargés du bien-être, etc. mais personne ne serait mieux placé que le manager (à part les collaborateurs eux-mêmes !) pour comprendre les conditions de travail et les besoins de l’équipe. Le manager devrait alors se sentir impliqué et avoir la volonté d’assurer des bonnes conditions de travail, de répondre aux besoins des collaborateurs (en terme de moyen, de reconnaissance, d’aménagement des horaires). Chez Supermood nous encourageons grandement l’implication des managers dans notre démarche car cela démultiplie l’efficacité du système mis en place.
Heureusement face à ces enjeux, ambitieux mais pas moins réalisables, les ressources du manager ont aussi évolué.
Le phénomène de digitalisation peut faciliter le management grâce aux outils collaboratifs pour suivre et organiser les projets de son équipe. De plus en plus d’outils de “coaching” des managers apparaissent aussi pour les aider dans leur pratique quotidienne et bien évidemment les solutions de feedback et d’échange sur les problématiques d’engagement et de qualité de vie au travail.
La relation manager – RH
Les managers peuvent aussi compter sur le soutien des Ressources Humaines dans la gestion de leurs équipes. Elles seront particulièrement aidantes sur la partie bien-être des collaborateurs mais aussi sur la gestion des compétences et l’évolution des individus.
Cette relation entre les managers et les Ressources Humaines – dont une des missions est l’amélioration de la qualité de vie au travail – peut être un élément clé de la bonne santé d’une entreprise.
Les RH pourraient animer une communauté de managers et donner les clés et le soutien nécessaire sur ces thèmes-là. Chez Supermood, nous poussons les RH et les managers à communiquer de façon plus efficiente et régulière pour former de vraies équipes de travail autour du management et de l’humain.
Ces nouvelles envies/besoins et ce nouveau rapport au travail, forçant le management à changer, sont attribués aux générations des “millennials” mais les générations antérieures ne sont pas à négliger. Jean-François Tchernia précise que les individus s’adaptent sans cesse aux changements. Par conséquent, toutes les générations sont impactées par les nouvelles normes et développent les mêmes aspirations que les “millennials”.
Enfin, il n’y pas de recette magique en management et dans l’engagement des collaborateurs. Il faut être en capacité d’adapter sa façon de manager en fonction du contexte et des personnes. On parle de management situationnel. Par exemple : fournir de l’autonomie mais tout en apportant une sécurité pour une personne qui à besoin d’autonomie mais manque de confiance en soi.
A travers Supermood, nous percevons et nous analysons ce contexte grâce aux feedbacks des collaborateurs pour permettre aux entreprises et à leurs managers de prendre des décisions éclairées et en collaboration avec les individus qui les composent – peu importe les générations.
Sources :
- Akremi, A. E., Colaianni, G. Portoghese, I., Galletta, M., et Battistelli, A. (2014). How organizational support impacts affective commitment and turnover among Italian nurses: a multilevel mediation model. The International Journal of Human Resource Management, 25(9), 1185-1207.
- European Values Study (http://www.europeanvaluesstudy.eu/)
- Sarazin, B. (2015). Des effets générationnels sur l’engagement au travail ? La Revue des conditions de travail, 2, 84-89. https://www.anact.fr/des-effets-generationnels-sur-lengagement-au-travail
- Stinglhamber, F. et Vandenberghe, C. (2003). Organizations and supervisors as sources of support and targets of commitment: a longitudinal study. Journal of Organizational Behavior, 24, 251-270
- Tchernia Etudes Conseil (http://www.tchernia-conseil.fr/)