Comment faire évoluer vos collaborateurs en interne ?
Supermood et 360Learning ont organisé un Webinar pour réfléchir collectivement sur l’optimisation de la mobilité interne des collaborateurs.
Avec des professionnels RH présents au webinar, Vincent Gaumé (Strategic Client Success Partner chez 360Learning) et Kevin Bourgeois (CEO de Supermood, Data Scientist) ont partagé leurs analyses et idées clés sur la gestion des différentes mobilités internes au sein des organisations, et ce notamment via le levier de la formation qui est en pleine réinvention.
Voici les 10 enseignements à retenir de cette discussion.
Bonne lecture !
1. Il y a trois grands types de mobilité en entreprise
Au sein d’une entreprise, les collaborateurs peuvent se confronter à trois types de dynamiques d’évolution : la mobilité horizontale, verticale et géographique.
- Horizontale (aussi appelée mobilité transversale ou mobilité fonctionnelle) : elle provoque un changement de poste de travail, de métier, à un niveau hiérarchique identique.
- Verticale : elle apporte un élargissement des responsabilités et/ou une reconnaissance hiérarchique et/ou une augmentation salariale.
- Géographique : elle amène un changement de lieu de travail plus radical, notamment dans les sujets d’expatriation à l’étranger.
2. La mobilité géographique est un enjeu de rétention
La flexibilité sur la mobilité géographique des talents, que ce soit des mutations ou des politiques internes de télétravail, est rapidement devenu un enjeu stratégique pour une startup en hypercroissance comme 360Learning qui se trouve désormais dans trois grandes villes : Paris, Londres et New York. Vincent Gaumé, qui travaille chez 360Learning depuis 2014, confirme :
La flexibilité géographique est un levier puissant d’engagement et de fidélisation, mais également de recrutement et d’acquisition de talents.
Une entreprise qui fait preuve d’une telle flexibilité élargit ainsi son vivier de talents.
3. Le défi des organisations : la capitalisation et le stockage d’informations
Pour Vincent Gaumé, qui s’est récemment établi à Lyon, une organisation comme 360Learning qui laisse beaucoup d’autonomie dans la mobilité des collaborateurs est confrontée à de réels enjeux de coordination interne, notamment sur l’optimisation du partage d’informations entre collaborateurs.
Pour ce faire, 360Learning a instauré une culture forte et audacieuse, nommée Convexity. Cette culture a pour principes fondamentaux la communication asynchrone via des plateformes numériques internes, la clarté de définition des périmètres de chaque collaborateur, et l’autonomie de ces derniers dans la gestion de leurs objectifs. Cette culture d’entreprise leur a également permis de faire émerger de nombreuses réflexions sur la gestion du temps et de l’espace de travail.
4. Derrière l’évolution interne, la question de l’équité entre collaborateurs
Au début du webinar, Kevin Bourgeois est revenu sur la récente fuite des salaires chez Microsoft partagés de manière anonyme par 450 de ses employés. Si on se réfère au tableau ci-dessous, on peut voir l’absence de linéarité entre les niveaux d’ancienneté et de compensation.
“Cette fuite pose la question de l’évolution hiérarchique vs l’évolution salarié. Derrière le traitement de la mobilité interne, il ne faut pas oublier les questions d’équité et de justice entre les salariés. C’est un enjeu qui doit se traiter aussi bien pour une PME de 20 collaborateurs que pour un grand groupe comme Microsoft.” souligne Kevin Bourgeois.
Autrement dit, savoir faire évoluer des collaborateurs aux parcours, personnalités, compétences très variés sans tomber dans de la politique interne au court-terme est un défi culturel et de marque employeur. Cela demande aux dirigeants une écoute active des collaborateurs, mais également une réelle cohérence dans les décisions prises.
5. La mobilité interne affecte le collaborateur, mais aussi le groupe
La réussite d’une mobilité interne se matérialise notamment par le maintien, voire l’amélioration de la productivité du collaborateur concerné, dans son nouveau cycle. A ce titre, Kevin Bourgeois rappelle que :
Formation et mobilité interne sont souvent tournées vers un individu, mais en réalité elles ont un impact sur un groupe.
C’est avec cette réflexion que de grands groupes français, qui disposent de nombreuses filiales à l’étranger, utilisent des micro-sondages internes “SuperFeedback” pour mesurer la réussite de cette mobilité des collaborateurs expatriés sous trois dimensions :
- l’adaptation du collaborateur dans son propre changement ;
- son sentiment d’accompagnement avec l’entité qui l’accueille ;
- le ressenti des équipes concernées par la mobilité (équipe de départ et équipe d’accueil).
6. Incitation à la mobilité interne : un réel décalage de perception entre direction et collaborateurs
Concernant la formation comme levier de performance organisationnelle, Kevin Bourgeois pointe les chiffres d’une étude récente du cabinet Hayes : 79% des entreprises en France déclarent inciter à la mobilité interne, alors que seulement 33% des salariés estiment que c’est le cas.
Ce grand décalage de perception entre direction et collaborateurs s’explique par un manque de dialogue en interne, notamment sur les enjeux de formation. Selon l’enquête de l’institut YouGov réalisée sous le haut patronat du Ministère du Travail (Décembre 2018), seulement 28% de Français estiment que les formations professionnelles répondent aujourd’hui aux différents besoins exprimés par les entreprises.
Et si l’entreprise ne peut pas répondre aux aspirations des salariés, cela crée de la frustration, et du désengagement nuisibles à la performance de ces derniers.
7. Formation numérique : savoir aligner les intérêts de l’entreprise et des collaborateurs
Selon Kevin Bourgeois et Vincent Gaumé, les opportunités offertes par la digitalisation de la formation d’entreprise sont encore mal saisies. Kevin Bourgeois rappellent les chiffres révélateurs de l’enquête de Cegos sur la formation professionnelle (2017) : les DRH français perçoivent davantage la digitalisation de la formation comme un moyen d’optimiser les coûts de formation (55%) et former le plus grand nombre personnes (52%).
D’autres enjeux, comme pouvoir proposer des formations au moment le plus opportun (37%), développer la motivation des salariés à participer à la formation (33%), individualiser les parcours de formation, permettre à chacun de ne suivre que les modules dont il a besoin (27%), ou encore faciliter l’apprentissage entre pairs, grâce aux outils collaboratifs (réseau social interne, communautés en ligne, etc) (26%), viennent en second plan.
“On est dans une économie de formation, et pas sur une formation au service la performance.” constate Kevin Bourgeois. De son côté, Vincent Gaumet rappelle que la vision ROIste classique de la formation digitale (plus de monde, plus vite, moins cher) des entreprises doit se compléter par une compréhension plus poussée de sa valeur :
“Au delà de ce qu’il permet de faire en termes de diffusion plus massive, le numérique est un vecteur hyper puissant qui permet aux entreprises de pouvoir répondre aux aspirations de ses salariés.”
Aujourd’hui, si les entreprises veulent générer l’engagement des salariés, les faire monter en compétences, favoriser leurs mobilités, il y a un gros défi d’accompagnement par la formation. Lorsque sa valeur est bien perçue, le numérique permet d’y répondre.
8. Transformation numérique : le partage de savoir
La transformation numérique a accéléré la réinvention du partage de savoir, et Vincent Gaumé rappelle que le monde du travail n’est pas imperméable à ce bouleversement :
Aujourd’hui, que ce soit dans les petites, moyennes ou grandes entreprises, la connaissance n’est pas que chez les managers ou les départements de formation. Elle est partout. L’enjeu c’est désormais de pouvoir l’identifier et la libérer.
La formation interne, c’est aussi le partage de bonnes pratiques et de compétences comportementales entre collaborateurs. Aujourd’hui dans une entreprise, la même personne peut être en demande d’une certaine compétence et être en capacité de répondre aux besoins de certains de ses collègues.
L’enjeu pour les entreprises est désormais de pouvoir maximiser le partage de savoir en interne qui réduit les coûts, valorise les formateurs en interne, et renforce les relations interpersonnelles entre les collaborateurs. A cet égard, Kevin Bourgeois constate que :
Les besoins en formation sont déjà présents en interne, et sont assez simples. Chez les clients de Supermood, nous voyons que les premiers besoins pour les populations cadres sont l’anglais et Excel.
Le co-fondateur de Supermood explique comment maximiser l’impact du collaborative learning entre collègues grâce aux micro-sondages internes : “Avec notre plateforme de sondages internes, nos entreprises clientes posent souvent un binôme de questions ouvertes posées à leurs collaborateurs : “Sur quels sujets aimerais-tu être formé.e ?“ et “Sur quels sujets pourrais-tu former tes collaborateurs ?”. Ensuite, vous analysez les données internes créées par leurs réponses et vous faîtes le matching.”
Ces données internes restent le meilleur levier d’identification des points forts et des points faibles de chaque équipe. Comme le souligne Kevin Bourgeois :
“Avec des algorithmes, on peut savoir par exemple qu’au sein d’une entreprise donnée, les managers de moins de trente ans en Auvergne sont excellents sur le sujet de la reconnaissance.”
Au sein d’une organisation qui évolue constamment cette information est une mine d’or pour les départements de formation qui veulent diffuser les bonnes pratiques.
9. Les RH passent de producteurs à curateurs de contenu pédagogique
Si certains départements RH en charge de la formation peuvent remonter les besoins de leurs collaborateurs, les gros défis sont de pouvoir le faire systématiquement en temps réel et surtout d’avoir la capacité à y répondre malgré des ressources humaines et temporelles limitées. Vincent Gaumé propose une réinvention importante chez les grands groupes qu’il accompagne au quotidien :
Souvent les départements de formation deviennent un goulot d’étranglement. Identifions et libérons ces connaissances, faisons de ces départements de formation non plus des producteurs de contenus, mais des facilitateurs, des accompagnants, et des garants de qualité.
A l’ère du collaborative learning, le rôle des départements RH n’est plus de produire, mais de filtrer le savoir partagé entre les collaborateurs. “Il y a toute la question de comment on engage dans la durée et comment on se place dans une logique d’amélioration continue de ce qui a été produit dans la formation.” souligne Vincent Gaumé.
Pour garantir la qualité de l’offre pédagogique collaborative, Vincent Gaumé accompagne les équipes RH dédiées dans leurs réinventions : celles-ci doivent désormais se placer dans un rôle de curateur (validation du déclaratif des collaborateurs qui souhaitent former leurs collègues) et de facilitateur (formation et responsabilisation des formateurs).
10. Peer review : un levier d’évolution à cadrer
En permettant à des collègues de rôle comparable de s’évaluer et de s’accompagner entre eux, la pratique du est un levier de montée en compétences des salariés. Cependant, il faut pouvoir mettre des règles communes d’évaluation, car si chacun a sa grille de lecture, cette pratique perd de son intérêt.
Vincent Gaumé précise que chez 360learning, sa culture de convexity et son organisation hiérarchique la plus plate possible, la pratique du se place davantage dans une logique de coaching que d’évaluation. En termes de processus, chaque collaborateur demande régulièrement à trois collègues de métiers différents de formuler leurs feedbacks.
Conclusion
Pour les dirigeants et équipes RH, il est donc important de se rappeler que la mobilité interne est un sujet qui impacte non seulement le collaborateur concerné, mais aussi et avant tout ses équipes (ancienne et nouvelle). Garder cette grille de réflexion “groupe” permet notamment de ne pas oublier les questions de justice et d’équité en interne, qui sont des enjeux d’engagement des salariés et de marque employeur.
Dans ce contexte, les opportunités d’amélioration de performance offertes par la formation digitale sont encore mal considérées. La majorité des équipes RH y voient un moyen d’optimiser les coûts et de diffuser au plus grand nombre, alors que la valeur du numérique se trouve dans la capacité à favoriser le partage de savoir et de bonnes pratiques entre les collaborateurs.
Dans notre ère actuelle du collaborative learning, les départements RH chargés de la formation doivent réinventer leurs missions : leur valeur n’est plus à la production du contenu, mais à la curation de l’offre pédagogique. Cela passe par un dialogue avec les collaborateurs pour identifier, avec des données internes, ceux qui sont “formateurs” et ceux qui expriment le besoin de se former, puis dans un second lieu de valider la qualité du contenu pédagogique produit.