Comment en finir avec le mal-être dans la fonction RH ?
Dans un précédent article, nous évoquions l’arrivée de la « Grande Démission » en France. Ce phénomène de départs massifs, porté par la crise sanitaire, ne semble pas vouloir épargner la fonction RH. En effet, selon une étude publiée par myRHline, en octobre 2021, 48 % des professionnels des ressources humaines envisageaient de changer de métier.
Et pour cause, placée en première ligne, la fonction RH a été profondément impactée par la crise de la Covid-19. Après plusieurs années de pandémie, les chiffres relatifs à la santé mentale des professionnels RH sont inquiétants. Selon une enquête réalisée par Empreinte Humaine, en février 2022, 64 % des personnels RH interrogés se trouvaient en état de détresse psychologique et 63 % étaient victimes de burn-out.
Ce profond mal-être des professionnels des ressources humaines s’avère problématique à au moins deux titres. En premier lieu parce qu’il touche une fonction centrale de l’entreprise, appelée à jouer un rôle prépondérant lors de la reprise. En second lieu parce qu’il affecte les garants du bien-être au travail eux-mêmes, rendant la situation inextricable.
Dans ce contexte, comment en finir avec le mal-être de la fonction RH ? Supermood fait le tour de la question et vous fournit des pistes d’action concrètes pour ménager votre santé mentale et celle de vos pairs.
Un mal-être croissant parmi les professionnels des ressources humaines
Le mal-être de la fonction RH ne date pas de la crise sanitaire. En 2018 déjà, 80 % des professionnels interrogés dans le cadre d’une enquête menée par les Éditions Tissot se déclaraient « proches de l’épuisement ». Avec son lot de complications, la période récente semble donc avoir avant tout révélé et accentué des problématiques préexistantes.
L’impact de la crise sanitaire sur la fonction RH
Si la crise sanitaire a affecté l’ensemble des salariés, elle a fait peser un poids particulier sur les professionnels des ressources humaines. Outre le stress associé aux événements et l’isolement lié au télétravail, ces derniers ont en effet dû composer avec une charge mentale importante et un nombre croissant d’obligations et de missions.
Parmi elles : la mise en place de mesures sanitaires à dimensions variables ; l’organisation, au pied levé, du télétravail généralisé et du chômage partiel ; la prise en charge de la détresse psychologique de certains collaborateurs ou encore l’annonce difficile des licenciements économiques.
Dans un article publié par Welcome To The Jungle, une DRH témoigne ainsi de la forte tension émotionnelle ressentie, pendant la crise, au moment de mettre fin aux contrats de plusieurs salariés de son entreprise :
« J’ai tout fait pour rester impartiale et choisir en fonction des compétences, sans tenir compte des enfants, des prêts, des conjoints qui ne travaillent pas, etc. C’était dur, je les connaissais tous très bien ».
Cette déclaration, révélatrice des préoccupations rencontrées par les RRH dans cette période particulière, renvoie cependant à des difficultés inhérentes au métier de RH.
Une fonction particulièrement exigeante et déconsidérée
Depuis plusieurs années, les professionnels des RH font état des difficultés de leur métier, à l’image de Jacky Lhoumeau, auteur en 2013 de l’ouvrage « D comme DRH et… Dépressif » (éd. Tatamis).
Dans cet écrit, l’ancien DRH s’interroge :
« Moi, homme au travail, “homo tripalium”, étais-je désormais vraiment condamné à être malheureux ? Jusqu’à quel point ai-je pu accepter de me déshumaniser et de me confondre avec ma fonction ? ».
L’auteur dresse également un sombre constat :
« Lorsque les “bagages” deviennent des fardeaux et que la meurtrissure du joug se fait intolérable, il est bien souvent déjà trop tard. L’épuisement a fait son œuvre, l’esprit est fatigué, le corps souffre et le diagnostic sans appel : burn - out. »
Plusieurs raisons peuvent être avancées en vue d’expliquer ce sentiment de malaise partagé de longue date par bon nombre de professionnels des ressources humaines :
- Des missions toujours plus nombreuses (paie, recrutement, licenciement, formation, gestion des carrières, QVT, etc.) et un lourd fardeau administratif ;
- Une insécurité juridique pesante, couplée à des responsabilités importantes ;
- Des ressources limitées ne permettant par de répondre aux attentes de la direction et une forme de pression ou il faut parfois même « faire plus avec moins » ;
- Une tension émotionnelle engendrée par des missions paradoxales (celle de veiller au bien-être des salariés et celle de procéder aux licenciements, pour ne citer qu’elles) et des conflits de valeurs chez des individus exerçant un métier « passion » ;
- Un manque de reconnaissance, une défiance, et même de la violence de la part des parties prenantes de l’entreprise. Les professionnels des RH souffrant en effet trop souvent d’un manque d’intégration et de considération de la part de la direction ; mais aussi d’une forme de rejet de la part des collaborateurs.
Face à ce malheureux bilan, que faire pour lutter contre le mal-être de la fonction RH ?
Lutter contre le mal-être dans la fonction RH : le plan d’action
Bien que structurel, le mal-être des professionnels des ressources humaines ne doit pas être une fatalité. Son aggravation à la faveur de la crise sanitaire doit même être appréhendée comme l’opportunité de prendre le problème à bras-le-corps. Voici le plan d’action que nous vous suggérons :
1/Opérer une révolution personnelle
Les professionnels des ressources humaines ne le savent que trop bien : « le bien-être est une responsabilité partagée entre les salariés et les employeurs ».
En premier lieu, les Décideurs RH doivent par conséquent s’autoriser à profiter des mesures prises au bénéfice des autres salariés. À l’image des managers, les DRH et RRH doivent être exemplaires en matière de QVT et de prévention des risques psychosociaux (RPS).
Ils veilleront donc à adopter, tant que faire se peut, une attitude adaptée (pauses régulières, exercice physique, respect de leurs horaires de travail, etc.) et à suivre les formations et activités proposées à l’ensemble des collaborateurs (gestion du stress, développement personnel, méditation, yoga, etc.).
Par ailleurs, les professionnels des RH peuvent s’attacher à développer une éthique de travail personnelle sur laquelle ils pourront s’appuyer pour accomplir sereinement leurs missions et garder le cap dans les moments difficiles.
Dans un article paru dans Les Echos, Philippe Cannone, ancien DRH du groupe FNAC, propose ainsi aux DRH un petit « guide de survie » basé sur les principes suivants :
- « agir collectif », afin de rassembler ;
- « être transparent », pour respecter les individus ;
- « avoir une morale personnelle », pour se respecter soi-même ;
- « donner de l’amour » car le sentiment d’être utile « aide à trouver sa place » ;
- « chercher le fun » parce que le bonheur est communicatif et le plaisir constitue un rempart contre les aléas de la fonction.
Des conseils corroborés par une étude publiée dans la Harvard Business Review ; laquelle conclut que faire preuve de bienveillance à l’égard des salariés permettrait aux professionnels des RH d’être plus résilients sur le long terme.
Connaître les noms des collaborateurs, les saluer quotidiennement, les conseiller à propos des aides à leur disposition ou encore accompagner les employés en partance pourrait donc contribuer, sur la durée, au mieux-être des RH eux-mêmes.
Des actions moins aisées à mettre en œuvre qu’il n’y paraît au regard de la masse de travail pesant sur les RRH (mais des solutions existent, comme nous le verrons plus loin).
2/ Libérer la parole autour du mal-être des professionnels des ressources humaines
Les professionnels des RH doivent pouvoir compter sur leurs pairs pour questionner et affronter leur mal-être. Plusieurs solutions peuvent être envisagées en ce sens :
- Pratiquer l’écoute active au sein de l’équipe RH et apprendre à détecter les signes de stress et de burn-out (fatigue, baisse de la motivation, irritabilité, etc.) ;
- Mettre en place des groupes de parole, des cafés ou des rendez-vous « bien-être », permettant à chaque membre de l’équipe RH de s’exprimer de façon informelle, de partager ses préoccupations et de bénéficier de conseils ;
- Avoir recours à une aide extérieure, à travers un accompagnement adapté ou par le biais de programmes tels que la ligne d’écoute et d’assistance psychologique proposée par l’ANDRH à ses abonnés.
3/ Gagner la reconnaissance des parties prenantes de l’entreprise
La crise sanitaire a placé la Direction des ressources humaines au centre des attentions et a permis de souligner le caractère stratégique de ses missions. Il s’agit là d’une opportunité sur laquelle capitaliser afin de (ré)affirmer l’intérêt de la profession auprès des parties prenantes de l’entreprise.
Pour ce faire, il convient de sensibiliser les salariés aux différentes missions de la Direction des ressources humaines. Le rôle des RH est en effet souvent mal compris par les collaborateurs. Selon une étude OpinionWay-LabRH datant de 2013, 32 % des salariés ne connaissent aucune des missions des RH et 52 % ne parviennent à en citer qu’une (majoritairement le recrutement).
Une campagne de marketing RH interne pourra ainsi contribuer à une meilleure compréhension de la fonction RH et, par suite, améliorer la reconnaissance des salariés envers leurs collègues RRH. Des projets de type « vis ma vie », proposant une immersion au sein du département RH, pourront par exemple être envisagés avec succès.
Mais ce n’est pas tout. Pour gagner en reconnaissance, les RRH doivent aussi affirmer leur position stratégique à l’égard de la direction comme des collaborateurs. Selon Jean-Michel Mathieu, expert en ressources humaines interrogé par la CCI :
« Les DRH disposent actuellement d’une formidable opportunité pour apporter une preuve supplémentaire de leur valeur ajoutée dans l’entreprise et pour tous les collaborateurs. Pour jouer cette carte, ils doivent être innovants, faire des propositions RH en s’adaptant à l’évolution des tendances, du contexte, des outils de travail, devenir des “agilitateurs” et des pacificateurs. Mais ils doivent prendre des risques, faire preuve d’audace. À eux de démontrer leur capacité à aller au-devant des salariés, d’être à leur écoute pour leur proposer des solutions afin de contribuer à améliorer leur travail, autrement dit, d’être proactifs. »
Des recommandations qui resteront lettre morte si les professionnels RH ne disposent ni du temps ni des moyens nécessaires pour les mettre en œuvre…
4/ Accélérer la digitalisation de la fonction RH
Étape clé de notre plan d’action, la digitalisation de la fonction RH doit permettre aux RRH de dégager du temps pour prendre soin de leur santé mentale et se consacrer davantage aux dimensions stratégiques, humaines et sociales de leur métier.
Conscients de leurs atouts, les professionnels RH ont une appétence pour les outils digitaux. Selon une étude menée en 2021 par les Éditions Tissot, 90 % des RRH sondés considèrent en effet ces derniers comme un « gain de temps et d’efficacité ». Par chance, l’offre de SAAS destinée aux RH est aujourd’hui pléthorique et répond à tous leurs besoins : recrutement, gestion de la paie, gestion de la connaissance et des formations, écoute interne… etc. L’essentiel restant d’impliquer les principaux intéressés dans le choix des outils utilisés et de veiller à leur bonne intégration dans le système d’information de l’organisation, afin d’éviter des ralentissements.
In fine, l’utilisation d’outils numériques permet aux RRH de se concentrer sur des opérations à forte valeur ajoutée. Prenons un exemple que nous connaissons bien : la plateforme d’écoute interne Supermood. Cette dernière permet aux RRH de prendre facilement le pouls des collaborateurs en automatisant leurs enquêtes internes. À la clé, des données factuelles et des analyses chiffrées sur lesquelles ils pourront s’appuyer pour peser auprès de la direction et co-construire l’entreprise avec ses salariés.
Conclusion : vers une meilleure prise en compte des professionnels RH ?
Face aux difficultés que traversent un grand nombre de professionnels des ressources humaines, il est temps de mettre en œuvre des solutions concrètes pour lutter contre le mal-être systémique dont est victime la fonction RH.
La transformation digitale, le marketing RH interne et la libération de la parole des RH sont de celles-là. Les RH peuvent se saisir de ces leviers pour améliorer leur bien-être et celui de leurs pairs. Mais ce n’est pas tout…
Les professionnels RH doivent également être soutenus dans leurs efforts par la direction de leur organisation. Celle-ci doit faire du bien-être des collaborateurs, dans leur ensemble, la clé de voûte de sa stratégie et un pilier de la culture d’entreprise.